2. L'urne et le fusil, gravure de M.L. Bosredon, avril 1848, BNF
Questions
Présentation du contexte historique et analys
La Constitution de 1793 a adopté le principe du suffrage dit universel, mais ce furent les républicains de 1848 qui le mirent en œuvre sous la pression du mouvement populaire parisien. Malgré les revendications exprimées par les féministes, les hommes de 1848 ont exclu les femmes du droit de vote. Il a fallu attendre 1944 pour que le suffrage devienne universel en incluant les citoyennes. En 1946, le principe du droit de vote est étendu aux « indigènes » des colonies, mais la représentation est demeurée inégalitaire (« double collège »). Aujourd’hui, se pose la question de la participation au suffrage des étrangers résidant durablement en France.
Le 2 mars 1848, le Gouvernement provisoire proclame que : « le suffrage sera universel et direct sans la moindre condition de cens. ». Le 5 mars 1848, un décret du Gouvernement provisoire instaure le suffrage dit universel (cf. doc. infra). Le corps électoral passait subitement de 246 000 électeurs à plus de 9 millions. L’élection au suffrage universel de l’assemblée constituante a lieu le 23 avril 1848. Le taux de participation est de 83,69 % des inscrits (7 835 000 votants pour 9 400 000 électeurs inscrits). La Constitution du 4 novembre 1848 (IIe République) consacre le suffrage universel dans ses articles 24 («Le suffrage est direct et universel. Le scrutin est secret.»), et 25 (« Sont électeurs sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans et jouissant de leurs droits civils et politiques.»). Les constituants ont décidé, après de houleux débats, que le pouvoir exécutif reviendrait à un Président de la république élu au suffrage dit universel.
«Longtemps, les élites n’acceptèrent la loi du nombre que si elle leur donnait raison. Dès 1850, la loi électorale concoctée par une Assemblée conservatrice excluait les populations réputées dangereuses. L’année suivante, un coup d’Etat militaire, couvert par l’autorité d’un grand nom, se justifia par la restauration du suffrage universel... au service d’un régime autoritaire. A l’inverse, d’autres, à gauche, suspectèrent une institution qui donnait si facilement raison aux puissants et qui ne contrebalançait pas les moyens de domination accumulés dans les mêmes mains. Les espérances (finies les révolutions, puisque le peuple était enfin souverain) furent d’ailleurs promptement douchées par les journées de juin 1848, lorsque les ouvriers se révoltèrent contre la suppression des Ateliers nationaux. A nouveau, les barricades, les morts et la répression. Fallait-il se plier à la loi majoritaire sans révolte ? Parole sans réplique d’un ouvrier au représentant qui tentait une conciliation : « Vous n’avez jamais eu faim ! » Le succès du suffrage universel s’est joué dans l’attachement des citoyens à une institution qui n’enregistrait pas seulement les rapports de forces, mais donnait à des hommes, puis à des femmes, une dignité que leur condition sociale leur déniait. » (Alain Garrigou, « Le suffrage universel, invention française », in Le Monde diplomatique, avril 1998).
La gravure de Bosredon (1848) montre un ouvrier parisien identifié par son vêtement. Il renonce à l’usage de son fusil à baïonnette pour déposer un bulletin dans une urne « à l’antique » sur laquelle est inscrite : « suffrage universel ». Les affiches évoquent la vivacité du débat politique dans lequel la propagande devrait remplacer les combats des barricades (Question 1).
La gravure rappelle que les combats pour la démocratie politique ont été violents. L’image et sa légende engagent à une vision pacifiée de la vie politique nationale : l’urne doit remplacer le fusil qui est réservé « à l’ennemi du dehors », car la défense de la patrie est essentielle pour les républicains qui ont conservé la mémoire des guerres de la Révolution. Les partisans du suffrage dit universel ont pour objectif de démontrer à ses adversaires que le vote populaire n’est pas nécessairement révolutionnaire. Malgré les espoirs de l’auteur de la gravure, la France n’en avait pas fini avec les insurrections et leur répression sanglante : juin 1848, la Commune (Question 2).
1791 : suffrage censitaire indirect : seuls les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (un cens) égal à la valeur de trois journées de travail ont le droit de voter. Ils sont appelés « citoyens actifs ».
1792 : suffrage universel masculin.
1795 : retour au suffrage censitaire masculin.
1848 : suffrage universel masculin.
1944 : les citoyennes françaises obtiennent le droit de vote.
1974 : l’âge de la majorité est abaissé de 21 ans à 18 ans.
1992 : le traité de Maastricht crée la citoyenneté européenne. Le droit de vote aux élections municipales est accordé aux citoyens originaires de l’Union européenne. (Question 3).
Liens
http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=576&oe_zoom=997&id_sel=997 : le site «1789-1939 : l’histoire par l’image » (Réunion des Musées nationaux et Direction Générale du patrimoine) propose de remarquables dossiers thématiques avec une présentation du contexte historique, une analyse et une interprétation des œuvres choisies. Alain Garrigou a rédigé le dossier consacré à la gravure de Bosredon, le vote ou le fusil.
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/suffrage_universel/suffrage-1848.asp Le site de l’Assemblée nationale offre un grand nombre de documents (gravures, affiches, discours, chant, textes législatifs), des chronologies et des mises au point claires (et compréhensibles par les élèves) sur l’histoire de la conquête du droit de suffrage.